POURQUOI DIEU NE RÉPOND-IL PAS À MA PRIÈRE ?
Quand nos prières restent sans réponse, le doute nous assaille. En réalité, c’est toujours Dieu qui nous interpelle le premier, et c’est à nous de répondre en lui demandant comment notre vie peut répondre à son appel et en apprenant à son écoute l’espérance et la patience dans les épreuves.
1. Prier, c’est parler à Dieu « comme un ami parle à un ami », disait saint Ignace de Loyola. Lui parler comme un enfant parle à son Père du ciel : « Quand vous priez, dites : Notre Père… ». Ce dialogue peut être alors action de grâce, louange, contrition, mais aussi intercession ou supplication. Cette dernière forme de prière (demande, intercession), pour fréquente qu’elle soit, n’est donc pas la seule possible, ni même la plus fondamentale des prières.
2. En ce qui concerne ces demandes que nous faisons à Dieu, certaines sont exaucées, d’autres… non. Dans ce dernier cas, on entend beaucoup de raisons plus ou moins valables : « Dieu n’écoute pas toujours » ; « Je n’avais pas mérité l’exaucement » ; « Dieu exaucera en son temps » ; « Il a un meilleur plan » ; « Il change les cœurs, pas les situations », etc. Toutes ces réponses peuvent avoir leur part de vérité parfois, mais elles restent incapables d’apaiser le cœur du croyant assoiffé de justice face au scandale du mal. Seule la Croix du Christ nous apprend que, lorsque Dieu reste silencieux, c’est qu’il est là tout proche, à souffrir avec nous.
N’ayons pas de langue de bois : Dieu ne répond pas toujours à nos demandes, c’est vrai
On a du mal du reste à imaginer ce que serait un monde où Dieu répondrait systématiquement à toute prière qui monte vers lui ! Mais plus profondément, la question du silence de Dieu renvoie au scandale du mal et à la théodicée (défense de la bonté de Dieu face à la présence du mal dans le monde). Quand une mère prie durant des mois de toute son âme et de toute sa foi pour la guérison de son enfant unique et qu’il finit par mourir, que lui répondre ? Comment ici défendre la volonté de Dieu ? Et sa bonté ?
« Je n’avais pas mérité l’exaucement » : voilà une première réponse que l’on entend parfois, mais Dieu aime donner gratuitement
Que vaut cette réponse ? L’Église y répond en disant que nos mérites sont eux-mêmes des dons de Dieu (Décret sur la Justification du concile de Trente). Ce faisant, elle nous rappelle que notre relation à Dieu n’est pas à comprendre en termes de mérites accumulés et de récompenses, mais en termes de gratuité divine. Dieu aime et donne gratuitement, sans compter. Son amour est inconditionnel, et donc notamment non conditionné par nos mérites ou vertus. Si nous méritons quoi que ce soit – et Dieu seul est capable ici de sonder les cœurs – c’est toujours parce que Dieu le permet et le veut bien, d’une certaine façon. (Voir pour ce point un plus long développement dans mon livre Pourquoi Dieu n’a-t-il pas répondu à ma prière ?, Parole et Silence, 2014).
« Ma prière était mauvaise », « Dieu a un meilleur plan » : même si c’est théologiquement vrai, ce n’est pas pastoralement très ajusté devant le scandale de certaines souffrances
« Vous demandez et vous ne recevez rien, parce que vous demandez mal », écrit l’apôtre Jacques (Jacques 4,3). Et saint Jean l’évangéliste d’ajouter qu’au contraire « nous avons cette assurance que, si nous demandons quelque chose selon sa volonté, il nous écoute » (1 Jean 5,14). Que Dieu ait un meilleur plan que nous, cela se conçoit ! Il est Dieu ! Il est la sagesse infinie et éternelle, et nous ne sommes que de toutes petites créatures, aveuglées par nos peurs et nos passions. « Le paysan prie qu’il pleuve, le voyageur qu’il fasse beau, et les dieux hésitent » : ce proverbe chinois décrit bien la myopie dont souffrent souvent nos prières ! Nous sommes « le plus souvent » incapables de voir plus loin que notre intérêt propre. « Le plus souvent », mais « pas toujours », et c’est bien la limite de cette réponse. Quand on prie pour la paix dans le monde, comment Dieu aurait-il un meilleur plan ? Et pour le salut d’un enfant ? On le voit, se contenter de dire que « Dieu a un meilleur plan », même si c’est théologiquement vrai, ce n’est pas pastoralement très ajusté devant le scandale de certaines souffrances. Je connais personnellement des personnes qui ont quitté l’Église où elles cherchaient consolation devant un drame familial et n’ont reçu en échange que cette réponse maladroite.
« Ce n’était pas le temps de Dieu ». Oui, parfois Dieu veut creuser notre désir, mais cette réponse ne suffit pas toujours
Cette autre réponse commune possède elle aussi sa part de vérité. Dieu veut creuser notre désir d’être exaucé, notre foi et notre abandon en lui, et il veut purifier aussi notre demande. C’est pour cela qu’il nous fait parfois patienter. Pensez au pauvre Job, par exemple : il souffre le martyre durant 38 longs chapitres de la Bible avant que Dieu ne lui fasse finalement justice ! « Prier, c’est se rendre capable de recevoir », c’est « laisser à notre cœur le temps de s’ouvrir » : voilà encore quelque chose que l’on entend souvent. « Dieu ne change pas les situations, il change les cœurs ». Après tout, la foi n’est-elle pas « la garantie des biens que l’on espère » (Hébreux 11, 1) ? Si l’on considère que la confiance en Dieu est le plus grand don, alors le délai de l’exaucement éprouve et fortifie cette confiance. Il est donc un don de Dieu lui-aussi, qui vient avec la persévérance dans la prière. « C’est par la persévérance que vous sauverez vos vies », dit Jésus (Luc 21). Mais là encore, parfois cette réponse ne suffit pas : une prière juste et persévérante reste parfois sans réponse et c’est le scandale du mal qui semble avoir de nouveau le dernier mot.
« C’est Dieu qui souffre », voilà la réponse ultime au scandale du mal dans le monde : la Croix du Christ
Dieu n’est pas venu dans le monde pour supprimer notre souffrance, ni même l’expliquer, mais il est venu pour la remplir de sa présence, et ainsi faire en sorte qu’elle ne soit pas vaine. Lorsqu’il est silencieux face aux supplications du souffrant, c’est qu’il souffre avec lui et lui prépare une abondance de gloire qu’il ne peut encore révéler. « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? », crie Jésus au cœur de son angoisse et de sa souffrance. Mais celles-ci sont sur le point d’obtenir au monde entier la vie éternelle, où toutes larmes seront définitivement séchées. Dans le long et méconnu livre de l’Ecclésiastique, au chapitre 35, se cache ce merveilleux verset dans lequel le Siracide interpelle son lecteur à propos de la souffrance : « Les larmes de la veuve ne coulent-elles pas sur les joues de Dieu ? » Si Dieu impassible souffre, c’est de nos souffrances. S’il pleure, c’est de nos larmes. Nos peines, nos douleurs, nos afflictions sont également et peut-être avant tout les siennes. Nos larmes coulent sur ses joues. Voilà l’ultime explication à la souffrance du juste et au scandale du mal : Dieu souffre avec nous. Voici l’ultime raison de son silence devant nos prières.
3. Dans les épreuves, la réaction naturelle est celle de vouloir trouver un sens à notre souffrance : pourquoi ma souffrance ? Et si je n’en trouve pas, alors je cherche des remèdes « extérieurs » pour compenser. La seule solution est intérieure cependant : il s’agit de poser des actes de foi et d’abandon jour après jour, de croire en la présence de Dieu dans la souffrance, et d’arrêter pour l’instant d’interroger le « pourquoi ».
Dans les épreuves, la réaction naturelle est de vouloir trouver un sens à notre souffrance : pourquoi ma souffrance ? Et si je n’en trouve pas, alors je cherche des remèdes « extérieurs » pour compenser
Ce qui est commun à toutes les épreuves de la vie, c’est qu’elles sont toujours un appauvrissement, une insécurité, une perte, un deuil, une solitude. Si je traverse une telle épreuve, ma première réaction sera toujours de me demander : « Pourquoi ? Pourquoi Dieu permet-il cela ? Pourquoi ne répond-il pas à ma prière ? » etc.). Cette question du « pourquoi » n’a souvent pas de réponse dans l’immédiat. La répéter encore et encore, vouloir trouver du sens à tout prix : voilà la spirale destructrice dans laquelle l’épreuve nous entraîne bien souvent. Si je ne dépasse pas cette question du « pourquoi », je m’enferme dans la recherche d’un sens, d’une raison, d’un coupable pour mon malheur, et donc dans l’accusation.
La tentation sera alors de chercher des remèdes « extérieurs » pour mettre fin à mon malheur. Si certains sont bons et nécessaires (médicaments, traitements), dans l’hypothèse où il n’y en a pas, je vais compenser (angoisse, alcool, etc.). Il est donc urgent de ne pas se laisser entraîner dans cette spirale mortifère.
La meilleure solution est intérieure cependant : il s’agit de poser des actes de foi et d’abandon jour après jour, et d’oublier pour l’instant le « pourquoi » de la souffrance
Une conversion de l’intelligence est nécessaire pour passer de cette question du sens (pourquoi ?) à la question suivante : « Comment puis-je avancer aujourd’hui ? ». En effet, le vrai remède à l’épreuve n’est pas « extérieur » (un coupable, ou une compensation), mais bien « intérieur » : il s’agit de poser des actes de foi, d’espérance et de charité, jour après jour. Si je ne le fais pas, si je ne tire pas avantage de ma souffrance pour poser ces actes, humblement et jour après jour (dans l’instant présent qui seul rend tout supportable), alors ma souffrance est vaine, et elle ne m’aura rien apporté au bout du compte. J’aurai finalement souffert pour rien, sans grandir. Le vrai remède consiste donc à accepter l’épreuve (cela peut prendre du temps), à apprendre à accueillir la secousse enfantine du sanglot qui seule nous ramène au père, et à commencer à remplir l’instant présent de toute la confiance filiale qui nous reste : quel acte de foi, d’espérance ou de charité puis-je poser aujourd’hui, aujourd’hui seulement, dans la situation d’extrême pauvreté, de fatigue, d’angoisse, de solitude qui est la mienne ? Rien que pour aujourd’hui, car plus je vis l’instant présent, plus les choses sont supportables. « Demain s’inquiétera de lui-même », dit le Seigneur. Aujourd’hui, quel petit acte d’enfance puis-je poser ? Les épreuves se ramènent toujours à une épreuve de la foi, de l’espérance ou de la charité. Poser des petits actes de foi ou d’amour me rappelle que Dieu m’aime et me soutient là où l’épreuve voudrait me faire croire qu’il m’a oublié. De tels actes me rappellent que mon être vient du sien, qu’il m’a voulu, créé, porté, sauvé et aimé, et que rien, ni la mort ni la vie, ne pourra me séparer de son amour, manifesté dans le Christ Jésus (Romains 8,38). Puisant ainsi dans l’amour qui me fonde et que j’avais oublié, je retrouve alors la force de croire, de me savoir aimé, de m’aimer à mon tour, et d’aimer peu à peu ceux qui m’entourent.
4. Après avoir analysé ces réponses, il convient d’aller plus loin et d’interroger la question même : « Pourquoi Dieu n’a-t-il pas répondu à ma prière ? » et ses présupposés. Je propose de renverser la perspective, car, si l’on y réfléchit avec recul, Dieu est l’ultime « sujet » et non juste celui que l’on interpelle. Dans la prière, comme en toute chose, c’est Dieu qui a l’initiative, et non pas l’homme. C’est Dieu qui interpelle et interroge notre vie, et c’est de nous que doit provenir la réponse à son appel, l’exaucement, ou plutôt l’« ex-haussement ». Bref, « cherchez d’abord le Royaume, et tout le reste vous sera donné par surcroît », dit Jésus (Matthieu 6,33) : voici le verset qui guide notre réponse finale ici.
Il faut renverser la perspective de la prière… et perdre l’équilibre !
De notre point de vue ici-bas, par notre prière, nous interpellons Dieu dans la foi, et nous attendons sa réponse. De là notre question : « Pourquoi Dieu n’a-t-il pas répondu à ma prière ? ». Mais nous oublions quelque chose ici : c’est que le vrai « sujet », c’est Dieu lui-même, dont tout dépend, y compris notre vie, y compris notre foi, et notre prière. C’est l’Esprit Saint qui vient prier en nous pour interpeller Dieu et l’appeler « Père », dit saint Paul (Romains 8,15). Bref, l’initiative est toujours divine, Dieu est le « sujet » et nous les « objets » de son amour, et la vraie question est : « Est-ce que ma vie répond à la prière de Dieu ? ». C’est lui qui m’appelle et m’interpelle sans cesse. « Voici, je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui », dit Jésus (Apocalypse 3,20).
La réponse est attendue de mon côté d’abord, pas du sien. Dieu n’a pas de comptes à nous rendre !
Ma prière, et tout dialogue avec Dieu, doit être d’abord – et peut-être uniquement – cet immense acte d’ouverture, de confiance, d’abandon et de gratitude pour le don incroyable de l’existence et de la foi. Tout le reste n’est que littérature. Dieu répond selon notre foi, mais la foi elle-même est « réponse à une parole qui interpelle personnellement, à un “toi” qui nous appelle par notre nom » (Pape François, Lumen Fidei 8).
Sans l’amitié première, sans la communion de la foi, il n’y a pas d’exaucement possible de ma prière, car il n’y a pas même de communication. Dieu ne m’entend pas, car ce n’est pas à lui que je m’adresse, mais à l’idole pratique que je me suis créée peu à peu. Toute prière réelle ne peut être que dialogue « d’un ami à un ami », d’un fils à son père : sans cette communion filiale, nos prières se perdent en écho dans une éternité que nous avons nous-mêmes vidée de Dieu pour y élever une petite idole à notre service. Bref, au lieu d’attendre fébrilement l’exaucement, il est urgent de « s’ex-hausser » soi-même, de prendre de la hauteur, pour nous placer de manière juste face à Dieu. Cette hauteur nécessaire, c’est celle du Royaume.
« Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et tout le reste vous sera donné par surcroit », dit Jésus
Renverser la perspective de la prière pour nous enraciner dans la gratitude filiale et la foi nous donne d’anticiper déjà le Royaume des cieux, et de vivre pour lui. C’est la condition de l’exaucement : « s’ex-hausser » au-delà de ce monde-ci et de ses petits algorithmes de pouvoir, de plaisirs et d’intérêts calculés. Il nous faut nous arrêter de compter (nos mérites, nos vertus, nos besoins, nos forces, nos dus, etc.). Dieu ne compte pas, et lorsque nous arrêtons à notre tour de compter, alors il peut donner et donner en abondance. Les Béatitudes sont une invitation à bouleverser nos logiques et nos calculs. Elles dénoncent ce que Cioran (1911-1995) nommait « l’hérésie du moi ». Les Béatitudes nous appellent à accepter de renoncer par amour à ce qui nous est naturellement dû, pour rentrer dans la logique de Dieu, qui est Don et rien d’autre que don. Le jeûne, la veille, la pauvreté, la prière, le pardon, l’aumône, la persécution et même la souffrance offerte sont autant d’occasions d’accepter de perdre nos petits équilibres mondains, nos poses, nos logiques d’échange (je donne pour recevoir) pour finalement rentrer dans la logique du Royaume, qui est en fait folie : « Alors que les Juifs demandent des signes et que les Grecs sont en quête de sagesse, nous proclamons, nous, un Christ crucifié, scandale pour les juifs et folie pour les païens ; mais pour ceux qui sont appelés, Juifs et Grecs, c'est le Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes » (1 Colossiens 1,22).
Peter Bannister – La Sélection du jour
Comment les moines ont inventÉ le marque-page
L’évolution des manuscrits écrits, en particulier des codex, est étroitement liée au développement des marque-pages. L’étude de l’histoire de leur invention a mis en lumière le rôle central joué par les monastères dans leur développement et leur diffusion.
Des recherches récentes ont montré que le plus ancien marque-page conservé de nos jours date du VIe siècle apr. J. C. Découvert sous les ruines du monastère Apa Jeremiah (Saint Jérémie), à Sakkara, en Égypte, il laisse à penser que les premiers marque-pages auraient été inventés précisément par des moines.
Ce signet du VIe siècle se compose d’une lanière en cuir doublé de vélin sur le revers et attaché à la couverture d’un codex copte (Codex A, MS 813, Chester Beatty Library, Dublin). Tout au long de l’époque médiévale, les marque-pages étaient généralement fabriqués d’une petite bande en parchemin, ou d’un morceau d’une cordelette, et attachés au bord de la page comme dans les Bibles contemporaines. Les marque-pages détachés sont apparus des siècles plus tard, dans les années 1850.
Ces marque-pages se seraient donc diffusés au Moyen-Âge, grâce aux moines. Dans les enceintes de leurs monastères, ces religieux consacraient leur vie à la prière, mais aussi à la transcription méticuleuse et à la conservation de textes inestimables. Alors qu’ils copiaient et étudiaient ces textes, ils ont été confrontés à la nécessité de parcourir efficacement de longs volumes et revenir facilement à des sections spécifiques, ce qui a déterminé la naissance des marque-pages.
Un héritage durable
L’utilité pragmatique de ces signets pour lire et parcourir les manuscrits de leurs vastes collections s’est renforcée également grâce aux pratiques religieuses de la vie monastique. En effet, la lecture régulière des Saintes Écritures et de l’Office divin, à des horaires précis et avec des textes spécifiques, nécessitait des moyens efficaces pour marquer et reprendre facilement la lecture à des endroits déterminés.
La création des marque-pages témoigne de l’habileté et de l’ingéniosité des moines érudits du Moyen-Âge. L’héritage durable de ces humbles mais essentiels outils au cours des siècles a façonné l’histoire littéraire, et les marque-pages continuent d’être des compagnons indispensables des lecteurs contemporains.
Daniel Esparza - Aleteia
L'immaculée Conception, racine de tous les dons
Lorsque à Lourdes la sainte Vierge se nomme L'Immaculée Conception, avec l'article défini, elle signifie implicitement qu'elle est la seule à jouir de ce privilège. Celui-ci est en quelque sorte le fondement de tous les autres grâces, Maternité divine, virginité, sainteté plus qu'éminente. Car, dans la mesure où Marie a été immaculée dans sa conception, qu'elle a été absolument préservée du péché originel, son âme était absolument pure et toute disposée à recevoir les dons surnaturels les plus grands dont une créature rationnelle est capable.
Sainteté proportionnée à la mission
La sublimité de cette dignité ne doit pas nous étonner, car lorsque Dieu choisit par lui-même une créature pour une fonction spéciale il la dispose d'avance, et la prépare, à remplir dignement le ministère auquel il l'a destinée. Or Marie a été choisie par la sainte Trinité pour être la Mère de Dieu. Peut-on imaginer une dignité plus grande pour une créature ?
Dieu avait choisi de se faire homme et de demeurer dans le sein d'une Vierge. De celle-ci Il recevra la croissance de la vie.
Pour faire son choix de la Vierge qui devait enfanter l'Enfant divin, Dieu n'a pas regardé parmi les vierges laquelle était la plus sainte, la plus pure. Non, il a créé une Vierge telle qu'elle devait être pour être une digne Mère de Dieu. Or compte tenu de la grandeur de la divinité, Dieu s'est dû de combler l'âme de cette Vierge de toutes les grâces les plus élevées, les plus sublimes. Pour cela, sa Mère devait être immaculée conception, c'est-à-dire, exemptée de la tache originelle, ce qui entrainait nécessairement la possession de la grâce sanctifiante, avec tout le cortège de vertus et dons surnaturels, qui l'accompagnent et à un degré sublime.
La Vierge Marie, rachetée par son divin Fils
L'Église ne dit pas que les lois de la génération humaine on été modifiées pour Marie, mais, purement et simplement, qu'à l'instant même où Marie est devenue, dans le sein de sa mère, par l'infusion d'une âme, une personne humaine, elle a reçu cette beauté supérieure, cette vie divine de la grâce, que nous ne recevons qu'au baptême.
Pour autant, la sainte Vierge tient ce privilège des mérites de son Fils, de sa Passion rédemptrice ! Car c'est en prévision de mérites de la mort du Christ que Marie a été non pas réparée, libérée de l'esclavage du démon, purifiée du péché, mais préservée de la souillure originelle. Elle fait donc partie de la multitude des rachetées mais d'une manière spéciale. Pour elle, la rédemption n'est pas celle qui délivre des captifs, mais celle qui empêche de tomber dans les chaînes. Les mérites de la Rédemption lui furent appliqués, non seulement avec une surabondance ineffable, mais avant toute domination du péché, avant toute mort à la grâce. Ainsi la sainte Vierge est la créature humaine qui a le plus de raisons de chanter les miséricordes de Dieu : Magnificat anima mea Dominum !
La grande convenance du privilège de l'Immaculée Conception
Quand on réfléchit un peu au rôle de Marie, à sa mission, à sa dignité de Mère de Dieu, il parait tout à fait convenable qu'elle était préservée du péché originel. Dieu, pouvait-il laisser un seul instant sous l'empire du démon, celle qu'il avait créée pour en écraser la tête ? Pouvait-elle avoir la moindre souillure, cette femme, dans le sein de laquelle, le Saint-Esprit, par son opération divine, fit concevoir Celui dont il procède lui-même ?
Celle qui est Reine des Anges immaculés, pouvait-elle avoir quelques souillures ?
Comment donc Jésus-Christ, qui nous a tant recommandé d'honorer nos parents, ne l'aurait-il pas fait lui-même, en procurant, à sa Mère, l'exemption de tout péché ?
L'honneur des parents comme leur déshonneur rejaillit sur leurs enfants ; par conséquent il ne convenait pas que le Rédempteur parfait eut une Mère qui ait été conçue dans le péché.
Universalité de la croyance en l'Immaculée Conception
Même si ce dogme est récent, puisqu'il a été défini solennellement par le pape Pie IX le 8 décembre 1854, il a été cru, par l'ensemble de l'Eglise, depuis ses origines :
Saint Justin, saint Irénée, Tertullien opposent Ève, cause de la mort, à Marie, cause de la vie et du salut. Cette antithèse est constamment reprise par les Pères.
- Saint Éphrem : "Elle seule, mère de la vie, partage avec Eve, mère de la mort, le privilège de l'innocence originelle". (Sermo exige. ad Genesim)
- Saint Ambroise "Marie est exempte de toute tache" (In Psalm. 98, serm. 22)
- Saint Augustin : " On ne doit jamais énoncer son nom quand il s'agit du péché" (De natura et gracia, ca. 36, n. 42)
- saint Jean Damascène : "La nature s'est arrêtée tremblante, attendant que la grâce eût produit en elle son effet." (Orat. 4 de Virgine Maria)
Depuis le VIIe et le VIIIe s. on célèbre dans l'Église en de nombreux endroits, surtout dans l'Église grecque, la fête de la Conception de la Bienheureuse Vierge Marie. Beaucoup d'autels furent dédiés à Marie sous le titre d'Immaculée, comme celui de la Sainte Vierge le fut à Saint-Sulpice au moins depuis M. Olier, au XVIIe s.. La sainte Vierge elle-même avant que le dogme ne soit défini, a demandé en 1830, sans que cela fasse de difficultés, la frappe de la Médaille Miraculeuse avec la mention : "O Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous !" C'est dire que ce privilège était bien admis par l'Eglise.
On pourrait continuer encore à citer beaucoup de témoignages, mais il faut se limiter.
Des théologiens hésitants
Même si au Moyen Age, XIIe s. et XIIIe s., de grands docteurs (saint Bernard, saint Anselme, saint Albert le Grand, saint Bonaventure, saint Thomas) paraissent peu favorables au privilège parce qu'ils ne voyaient pas que, grâce à l'idée de rédemption préservatrice, Marie, qui devait encourir la tache héréditaire, ne l'a pas encourue de fait. Par la suite, cela a jeté un peu la confusion parmi les théologiens, mais le simple peuple n'hésita pas et resta ferme dans la croyance en l'Immaculée Conception de Marie.
Je vous salue Marie pleine de grâces
Jamais aucun péché actuel, comme l'affirme le concile de Trente (Sess. VI, can. 23), pas même la moindre défaillance vénielle, pas même la plus petite imperfection, ne la rendit moins agréable aux yeux de Dieu.
Dès l'origine, la Très Sainte Vierge a reçu une telle plénitude de lumière, et de grâce surnaturelle, que non seulement elle n'a pas péché, mais elle était confirmée en grâce, c'est-à-dire, elle ne pouvait même pas pécher. Ainsi la sainte Vierge, c'est la sainteté totale.
La salutation angélique est le principal fondement scripturaire en faveur de l'Immaculée conception de Marie. Si Notre-Dame n'avait pas ce privilège elle ne pourrait pas être dite pleine de grâces, car il lui manquerait la grâce de l'immaculée conception. Ainsi dans la prière du chapelet nous devons redire avec une grande allégresse, une grande reconnaissance ces mots "pleine de grâces", et comme dit saint Bernard : Marie a trouvé pour nous la grâce ; pleins de confiance nous devons donc aller vers elle pour recevoir cette grâce.
Traditions monastiques
À méditer ...
Quand l’âme se transfigurera en éternité…
L’homme qui suit la voie de la folie et méprise la sagesse créatrice se condamne lui-même : n’ayant plus aucune limite dans le mal, il ignore la vie future. Il ne veut pas même savoir s’il existe une autre vie, et il refuse de scruter attentivement les causes de sa propre nature changeante. Cet homme peut encore comprendre son enfance, son adolescence, sa jeunesse et sa maturité, mais il est incapable de comprendre ce qu’il devient dans sa décrépitude et le sens de cette transformation de son être. La raison lui montre qu’il a un commencement, mais il est incapable de savoir, de comprendre comment il est possible que l’âme soit immortelle et qu’elle n’ait pas de fin… (…)
Tant qu’il est dans son corps, les pensées de l’homme se multiplient, comme se multiplient sans qu’on puisse les dénombrer les échos de la louange angélique. La pensée anime déjà la jeunesse, on la formule ensuite par la voix de sa raison et on agit en la suivant. Mais son action ne tient pas sa vie d’elle-même : elle a un commencement. L’éternité seule tire d’elle-même la vie et jamais ne faiblit : avant que le temps n’existe, elle était déjà éternelle vie. Quand l’âme se transfigurera en éternité, elle changera de nom : elle n’agira plus dans l’homme par la mode de la pensée, mais aura pour séjour les louanges des anges qui sont esprit. Si elle s’appellera alors esprit, c’est qu’elle ne peinera plus avec le corps, avec la chair. L’homme portera le nom de vie, car il est déjà vie en ce monde tant qu’il vit par le souffle de l’esprit, mais il se transfigurera en immortalité par la mort charnelle, il sera pleinement dans la vie. Après le jugement dernier, c’est par son corps et son âme qu’il sera éternellement vie.
Sainte Hildegarde de Bingen (1098-1179)
abbesse bénédictine et docteur de l'Église
Le Livre des Œuvres divines, chap. 6 (in “Hildegarde de Bingen, Prophète et docteur pour le troisième millénaire” ; trad. P. Dumoulin ; Éditions des Béatitudes ; 2012 ; p. 220-221)
Le mystère de la persécution purifie l’Église
Dieu m'a révélé plus particulièrement ses secrets, et m'a fait connaître des choses admirables. (…) Dieu m'expliqua surtout le mystère de la persécution que souffre maintenant la sainte Église, et son renouvellement, son exaltation dans les temps à venir.
Pour me faire comprendre que les circonstances où se trouve maintenant l'Église sont permises pour lui rendre sa splendeur, la Vérité suprême me citait deux paroles qui sont dans le saint Évangile : « Il est nécessaire que le scandale arrive dans le monde. » Puis Notre Seigneur ajoutait : « Mais malheur à celui par qui vient le scandale. » (Mt 18,7) Comme s'il disait : Je permets ce temps de persécution pour arracher les épines dont mon Épouse est toute entourée, mais je ne permets pas les pensées coupables des hommes.
Sais-tu ce que je fais? Je fais comme j'ai fait quand j'étais dans le monde ; j'ai fait un fouet de corde, et j'ai chassé ceux qui vendaient et qui achetaient dans le Temple, ne voulant pas que la demeure de mon Père devienne une caverne de voleurs. Je te dis que je fais maintenant de même. Je fais un fouet des créatures, et avec ce fouet je chasse les marchands impurs, cupides, avares et enflés d'orgueil, qui vendent et achètent les dons du Saint-Esprit. Et en effet, avec le fouet de la persécution des créatures, Notre Seigneur les chassait, et les arrachait par la force de la tribulation à leur vie honteuse et déréglée. (…)
Du mal que font les mauvais chrétiens en persécutant l'Épouse du Christ, doit naître l'honneur, la lumière, le parfum des vertus pour cette Épouse. Et cela était si doux, qu'il me semblait qu'il n'y avait aucune comparaison entre l'offense et la bonté infinie que Dieu témoignait à son Épouse. Alors je me réjouissais, je tressaillais d'allégresse, et je voyais si clairement ce temps à venir, qu'il me semblait le posséder, le goûter. (…) Il y avait là des mystères si grands, que la langue est incapable de les dire, le cœur, de les comprendre, et l'œil de les voir.
Sainte Catherine de Sienne (1347-1380)
tertiaire dominicaine, docteur de l'Église, copatronne de l'Europe
Lettre 133 à Fr. R. de Capoue, n° 74 (trad. Cartier; Téqui, 1976, tome 1, p. 829-832; rev.)
« Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu »
Le Verbe de Dieu n’a pas abandonné les hommes, ses créatures, qui couraient à leur ruine. La mort qui s’était unie à eux, il l’a effacée par l’offrande de son corps ; leurs négligences, il les a corrigées par son enseignement ; et il a restauré le genre humain par sa puissance. (…)
Lorsque la figure de quelqu’un a été peinte sur le bois, puis effacée par des éléments extérieurs, il faut la présence de celui dont c’était le portrait si l’on veut restaurer son image sur la même matière. Et si cette matière n’est pas rejetée, c’est à cause de l’image que l’on y avait peinte et que l’on veut restaurer. De même le Fils très saint du Père, étant l’image du Père, est venu dans nos contrées pour renouveler l’homme qui avait été fait semblable à lui pour le retrouver, puisqu’il était perdu, en lui remettant ses péchés, comme dit l’Écriture : « Je suis venu retrouver et sauver ce qui était perdu » (Lc 19,10).
Aussi lorsqu’il dit aux Juifs : « Si quelqu’un ne renaît pas » (Jn 3,5), il ne fait pas allusion à la naissance à partir d’une femme, comme le pensaient les Juifs, mais à la renaissance et à la recréation de l’homme à son image.
Saint Athanase (295-373)
évêque d'Alexandrie, docteur de l'Église
Traité sur l’Incarnation du Verbe 10,14 ; PG 25,111-114, 119 (in “Lectures chrétiennes pour notre temps”, fiche B18; trad. Orval ; © 1972 Abbaye d'Orval)
LA RÈGLE DE SAINT-BENOÎT