SAINT JEAN DE DIEU - CONFESSEUR

8 mars

   Le même esprit qui avait inspiré Jean de Matha se reposa sur Jean de Dieu, et le porta à se faire le serviteur de ses frères les plus délaissés. Tous deux, dans ce saint temps, se montrent à nous comme les apôtres de la charité fraternelle. Ils nous enseignent, par leurs exemples, que c'est en vain que nous nous flatterions d'aimer Dieu, si la miséricorde envers le prochain ne règne pas dans notre cœur, selon l'oracle du disciple bien-aimé qui nous dit : « Celui qui aura reçu en partage les biens de ce monde, et qui, voyant son frère dans la nécessité, tiendra pour lui ses entrailles fermées, comment la charité de Dieu demeurerait-elle en lui (I JOHAN. III, 17)? » Mais, s'il n'est point d'amour de Dieu sans l'amour du prochain, l'amour des hommes, quand il ne se rattache pas à l'amour du Créateur et du Rédempteur, n'est aussi lui-même qu'une déception. La philanthropie, au nom de laquelle un homme prétend s'isoler du Père commun, et ne secourir son semblable qu'au nom de l'humanité, cette prétendue vertu n'est qu'une illusion de l'orgueil, incapable de créer un lien entre les hommes, stérile dans ses résultats. Il n'est qu'un seul lien qui unisse les hommes : c'est Dieu, Dieu qui les a tous produits, et qui veut les réunir à lui. Servir l'humanité pour l'humanité même, c'est en faire un Dieu ; et les résultats ont montré si les ennemis de la charité ont su mieux adoucir les misères auxquelles l'homme est sujet en cette vie, que les humbles disciples de Jésus-Christ qui puisent en lui les motifs et le courage de se vouer à l'assistance de leurs frères. Le héros que nous honorons aujourd'hui fut appelé Jean de Dieu, parce que le saint nom de Dieu était toujours dans sa bouche. Ses œuvres sublimes n'eurent pas d'autre mobile que celui de plaire à Dieu, en appliquant à ses frères les effets de cette tendresse que Dieu lui avait inspirée pour eux. Imitons cet exemple ; et le Christ nous assure qu'il réputera fait à lui-même tout ce que nous aurons fait en faveur du dernier de nos semblables. 
   Le patronage des hôpitaux a été dévolu par l'Église à Jean de Dieu, de concert avec Camille de Lellis que nous retrouverons au Temps après la Pentecôte. Voici le récit abrégé des vertus de notre saint, tel qu'il nous est proposé dans la sainte Liturgie. 

   Jean de Dieu naquit de parents catholiques et pieux, dans la ville de Mont-Majour, au royaume de Portugal. Dès le moment de sa naissance, des prodiges annoncèrent d'une manière éclatante que le Seigneur l'avait choisi pour de glorieuses destinées. Une splendeur inattendue parut sur la maison, et les cloches sonnèrent d'elles-mêmes. S'étant livré quelque temps à une vie relâchée, il en fut retiré par la puissance divine, et commença à donner l'exemple d'une haute sainteté. Un sermon dans lequel il avait entendu la parole de Dieu, le porta si efficacement au désir de se convertir, que dès lors il sembla avoir atteint une perfection consommée, bien qu'il ne fût qu'au commencement d'une sainte vie. Ayant distribué tout ce qu'il possédait aux pauvres prisonniers, sa pénitence admirable et le mépris qu'il faisait de soi-même le donnèrent en spectacle à tout le peuple. Il passa pour insensé aux yeux du plus grand nombre : ce qui lui attira les plus mauvais traitements, et fît qu'on alla jusqu'à l'enfermer dans une prison destinée aux fous. Mais Jean, enflammé de plus en plus d'une charité céleste, trouva moyen de construire dans la ville de Grenade, avec les aumônes des personnes pieuses, deux vastes hôpitaux. Il y jeta les fondements d'un nouvel Ordre, et donna à l'Église l'Institut des Frères Hospitaliers, qui, répandus en beaucoup de lieux, servent les malades avec un grand profit pour les âmes et pour les corps. 
   Souvent il apportait sur ses épaules à son hospice les pauvres malades ; et là, rien ne leur manquait de ce qui pouvait être utile à leur bien spirituel et corporel. Sa charité s'étendait bien au-delà des murs de son hôpital. Il faisait passer secrètement les choses nécessaires à de pauvres veuves, à de jeunes filles dont la vertu était en danger, et mettait le zèle le plus ardent à délivrer du vice impur ceux qui en étaient atteints. Un incendie terrible s'étant déclaré dans l'hôpital royal de Grenade, Jean se jeta intrépidement au milieu du feu ; on le vit aller et venir dans l'enceinte embrasée jusqu'à ce qu'il eût transporté sur ses épaules tous les malades, et sauvé tous les lits, en les jetant par les fenêtres. Après avoir passé une demi-heure au milieu des flammes, qui pendant ce temps avaient fait d'immenses progrès, conservé sain et sauf par un secours divin, on le vit enfin reparaître, à la grande admiration de tous les habitants de Grenade ; et Jean enseigna par cet exemple, comme un docteur de charité, que le feu qui le brûlait au dehors était moins ardent que celui qui le consumait au dedans. 
   La recherche de toutes sortes de mortifications, la plus profonde obéissance, l'amour de la pauvreté la plus rigoureuse, le zèle de la prière, la contemplation des choses divines, et la dévotion envers la sainte Vierge furent les traits admirables par lesquels il excella. Il éclata aussi par le don des larmes. Attaqué d'une grave maladie, après avoir reçu les sacrements de l'Église dans les plus saintes dispositions, on le vit, au moment où ses forces allaient l'abandonner, se lever de son lit, couvert de ses vêtements, se jeter à genoux, et serrant de la main et du cœur l'image de Jésus-Christ attaché à la croix, mourir ainsi dans le baiser du Seigneur, le huit des ides de mars de l'an mil cinq cent cinquante. Même après sa mort, ses mains retenaient encore le crucifix sans vouloir le rendre, et il demeura dans la même posture, répandant une odeur de suavité merveilleuse, pendant environ six heures, sous les yeux de la ville entière, jusqu'à ce qu'enfin on levât son corps. Les nombreux miracles qui avaient signalé sa vie et qui s'opérèrent après sa mort, portèrent le pape Alexandre VIII à l'inscrire au nombre des Saints. Selon le vœu des prélats du monde catholique, et sur l'avis de la Congrégation des Rites sacrés, Léon XIII l'a déclaré Patron des hôpitaux et des malades en tous lieux, ordonnant d'invoquer son nom dans les litanies des agonisants. 
   Qu'elle est belle, ô Jean de Dieu! votre vie consacrée au soulagement de vos frères ! qu'elle est grande en vous, la puissance de la charité! Sorti, comme Vincent de Paul, de la condition la plus obscure, ayant comme lui passé vos premières années dans la garde des troupeaux, la charité qui consume votre cœur arrive à vous faire produire des oeuvres qui dépassent de beaucoup l'influence et les moyens des puissants selon le monde. Votre mémoire est chère à l'Église ; elle doit l'être à l'humanité tout entière, puisque vous l'avez servie au nom de Dieu, avec un dévouement personnel dont n'approchèrent jamais ces économistes qui savent disserter, sans doute, mais pour qui le pauvre ne saurait être une chose sacrée, tant qu'ils ne veulent pas voir en lui Dieu lui-même. Homme de charité, ouvrez les yeux de ces aveugles, et daignez guérir la société des maux qu'ils lui ont faits. Longtemps on a conspiré pour effacer du pauvre la ressemblance du Christ ; mais c'est le Christ lui-même qui l'a établie et déclarée, cette ressemblance ; il faut que le siècle la reconnaisse, ou il périra sous la vengeance du pauvre qu'il a dégradé. Votre zèle, ô Jean de Dieu, s'exerça, avec une particulière prédilection, sur les infirmes; protégez-les contre les odieux attentats d'une laïcisation qui poursuit leurs âmes jusque dans les asiles que leur avait préparés la charité chrétienne. Prenez pitié des nations modernes qui, sous prétexte d'arriver à ce qu'elles appelaient la sécularisation, ont chassé Dieu de leurs mœurs et de leurs institutions: la société, elle aussi, est malade, et ne sent pas encore assez distinctement son mal; assistez-la, éclairez-la, et obtenez pour elle la santé et la vie. Mais comme la société se compose des individus, et qu'elle ne reviendra à Dieu que par le retour personnel des membres qui la composent, réchauffez la sainte charité dans le cœur des chrétiens : afin que, dans ces jours où nous voulons obtenir miséricorde, nous nous efforcions d'être miséricordieux, comme vous l'avez été, à l'exemple de celui qui, étant notre Dieu offensé, s'est donné lui-même pour nous, en qui il a daigné voir ses frères. Protégez aussi du haut du ciel le précieux institut que vous avez fondé, et auquel vous avez donné votre esprit, afin qu'il s'accroisse et puisse répandre en tous lieux la bonne odeur de cette charité de laquelle il emprunte son beau nom.

Dom Prosper Guéranger

 

Saint patron des malades et du personnel soignant

Jean de Dieu, de son vrai nom Joao Ciudad, est né en 1495 à Montémor o Novo au Portugal. A l’âge de huit ans, il quitte brusquement sa famille pour suivre un mystérieux gyrovague et commence une vie errante. Les raisons de ce départ restent un mystère. Il arrive assez rapidement en Espagne, à Oropesa (Tolède) où il est accueilli dans la famille de Francisco Cid, dénommé « el Mayoral ». La famille du Mayoral fait de l’élevage, et jusqu’à l’âge de 20 ans Jean se consacre au métier de berger. Il est apprécié de tous.

A la recherche d’aventures, il décide ensuite de s’enrôler dans les troupes que lève Charles Quint pour combattre François 1er. Après cette expérience militaire, il redevient berger mais très vite, nous le retrouvons aux portes de Vienne en Autriche avec l’armée impériale qui entend stopper l’invasion des Turcs de Soliman le Magnifique. Avec sa compagnie, il ira même jusqu’aux Pays-Bas.

Quittant définitivement l’armée, il se met au service d’une noble famille espagnole condamnée à l’exil à Ceuta, sur la côte marocaine. De retour en Espagne après un passage sur sa terre natale, il erre sur les routes d’Andalousie, s’installe à Grenade et se fait marchand ambulant de livres de piété et de chevalerie.

Un jour de 1539, il écoute une prédication du célèbre Jean d’Avila que l’on surnomme l’Apôtre de l’Andalousie. Et c’est la conversion. Bouleversé par ce qu’il vient d’entendre, il parcourt les rues de la ville en criant « Miséricorde ! Miséricorde ! », il arrache ses vêtements, se roule dans la boue. Les enfants le poursuivent en criant « el loco ! el loco ! », « le fou ! le fou ! ». Il est alors enfermé à l’hôpital Royal de Grenade. Il connaît le sort des malades mentaux de l’époque : jeûne, coups fouets, jets d’eau glacée… pour chasser le mal. C’est à ce moment que naît sa vocation. Il décide de passer le reste de sa vie à secourir ceux qu’il a côtoyés à l’hôpital Royal : paralytiques, vagabonds, prostituées, et surtout malades mentaux.

Il fonde une première « maison de Dieu » qui s’avère très vite trop petite, il en fonde donc une deuxième plus grande. Pour subvenir aux besoins de sa « maison de Dieu », il quête chaque jour en criant : « Frères, faites-vous du bien à vous-mêmes en donnant aux pauvres ! » Très vite, les habitants de Grenade le surnomment Jean de Dieu. Cinq compagnons, gagnés par son exemple, le rejoignent.

Il meurt le 8 mars 1550, laissant derrière lui une renommée de sainteté qui traverse les frontières. Ses compagnons vont très vite se réunir pour fonder l’Ordre Hospitalier des frères de Saint Jean de Dieu, grâce au pape saint Pie V qui, le 1er janvier 1572, approuve la congrégation et lui donne la règle de saint Augustin, et au pape Sixte V qui, le 1er octobre 1586, l’élève au rang d’Ordre religieux.

Six lettres manuscrites de saint Jean de Dieu ont été conservées précieusement (cf ci-dessous). Parmi les nombreuses citations, on peut y lire notamment « Dieu avant tout et par-dessus tout ce qui est au monde ! », « Je suis endetté et captif pour Jésus-Christ seul ! », ou encore, « Mettez votre confiance en Jésus-Christ seul ! »

Jean de Dieu est canonisé en 1690, déclaré patron des malades et des hôpitaux en 1886 et protecteur des infirmiers et infirmières en 1930.

Aujourd’hui, l’Ordre hospitalier est présent sur les cinq continents, les frères y ont fondé des hôpitaux, des maisons de santé, des centres de réhabilitation, des accueils de nuit, des écoles de formation…

Source : http://www.saintjeandedieu.fr


Les lettres de saint Jean de Dieu

1ère lettre de saint Jean de Dieu à la Duchesse de Sessa

2ème lettre de saint Jean de Dieu à la Duchesse de Sessa

3ème lettre de saint Jean de Dieu à la Duchesse de Sessa

1ère lettre de saint Jean de Dieu à don Gutierre Lasso de la Vega

2ème lettre de saint Jean de Dieu à don Gutierre Lasso de la Vega

Lettre de saint Jean de Dieu à Louis-Baptiste