SAINT BLAISE - ÉVÊQUE ET MARTYR

3 février

   Maintenant que l'Église a clos pour nous la touchante Quarantaine de la Naissance du Sauveur, et qu'elle nous a ouvert la source des fortes et sérieuses méditations qui doivent nous préparer pour la pénitence, chaque Fête des Bienheureux doit nous apporter une impression propre à nourrir en nous l'esprit de ce saint Temps. Dans la période dont nous sortons, tous les amis de Dieu que nous avions à fêter, nous apparaissaient rayonnants des joies de la Naissance de l'Emmanuel; ils formaient sa cour radieuse et triomphante. D'ici à la Résurrection du Fils de Dieu, nous aimerons à les considérer surtout dans les labeurs du pèlerinage de cette vie. Ce qui nous importe aujourd'hui, c'est de voir et d'étudier comment ils ont vaincu le monde et la chair. « Ils allaient, dit le Psalmiste, et ils jetaient la semence sur le sillon, l'arrosant de leurs pleurs; mais ils reviendront dans l'allégresse, chargés des gerbes que leurs sueurs auront produites (Psalm. CXXV). » Espérons qu'il en sera de même pour nous, à la fin de cette laborieuse carrière, et que le Christ ressuscité nous saluera comme ses membres vivants et renouvelés. Dans la période que nous avons présentement à traverser, les Martyrs abondent, et nous débutons aujourd'hui par un des plus célèbres. Sébaste, en Arménie, fut honorée par ses vertus pastorales et par sa glorieuse Passion; bientôt la même ville nous fournira dans un seul jour quarante soldats Martyrs. La dévotion envers saint Blaise est demeurée très vive en Orient, surtout en Arménie, et son culte, introduit de bonne heure dans les Églises de l'Occident, y a toujours été très populaire. Sa fête n'étant néanmoins que du degré simple, l'Église Romaine n'a consacré à son honneur que la courte Légende que nous donnons ici. 
   Blaise fleurissait en toute sorte de vertus à Sébaste en Arménie, lorsqu'il fut élu évêque de cette ville. Au temps où Dioclétien exerçait son insatiable cruauté contre les Chrétiens, le saint se retira dans une caverne du mont Argée, où il demeura caché jusqu'à ce qu'ayant été découvert par des soldats du gouverneur Agricolaüs, qui se livraient à la chasse, il fut conduit devant ce magistrat et jeté en prison par son ordre. Là, il guérit plusieurs malades qu'on lui amena, à cause de la réputation de sainteté dont il jouissait, et entre autres un enfant qui se mourait pour avoir avalé une arête qui lui était demeurée de travers dans le gosier, en sorte que les médecins désespéraient de le sauver. Blaise comparut deux fois devant le gouverneur, sans que l'on pût, ni par caresses, ni par menaces, le persuader de sacrifier aux idoles. Il fut donc d'abord battu de verges, ensuite déchiré avec des peignes de fer sur le chevalet, et enfin il eut la tête tranchée, rendant un glorieux témoignage au Seigneur Jésus-Christ, le trois des nones de février. 
   Nous unissons nos voix au concert de louanges que vous adressent toutes les Églises qui sont sous le ciel, ô glorieux Martyr! En retour de nos hommages, du sommet de la gloire où vous régnez, abaissez vos regards sur nous, et voyez les fidèles de la chrétienté tout entière qui se préparent aux saintes expiations de la pénitence, et qui songent à revenir au Seigneur leur Dieu par les larmes et la componction. Souvenez-vous de vos propres combats, et assistez-nous dans le travail de renouvellement que nous allons entreprendre. Vous n'avez pas craint les tourments de la mort; et quelque rude qu'ait été l'épreuve, vous l'avez subie avec courage. Obtenez-nous la constance dans une carrière moins périlleuse. Nos ennemis ne sont rien auprès de ceux qu'il vous a fallu vaincre; mais ils sont perfides, et si nous les ménageons, ils peuvent nous abattre. Obtenez-nous le secours divin par lequel vous avez triomphé. Nous sommes les fils des Martyrs; que leur sang ne dégénère pas en nous. Souvenez-vous aussi, saint Pontife, des heureuses contrées que vous arrosâtes de votre sang. La foi pour laquelle vous avez donné votre vie s'y était altérée; des jours meilleurs semblent briller enfin. Par vos prières paternelles, rendez l'Arménie à l'Église catholique, et consolez, par le retour de leurs frères, les fidèles qui ont su s'y conserver orthodoxes, parmi tant de périls.

Dom Prosper Guéranger